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Et s’il fallait renoncer au profit pour réussir ?

Que signifie réussir ? L’aisance financière voire l’abondance ? La position sociale ? L’épanouissement personnel ? La sensation de contribuer concrètement au développement, la préservation de notre relation à nous-mêmes, au monde et aux autres ?

Peut-être tout cela ou peut-être rien de tout cela ?


L’amélioration de nos conditions de vie a un effet de paradoxe : plus de confort, de rapidité, de plaisir, de loisirs. Cet éloignement du combat pour notre survie, en tout cas pour grand nombre d’entre nous, alimente un rapport à la vie teinté d’abstraction : son hégémonie est l’avènement du « clic ». Une carte bancaire, un clic, un achat. Un « clic » une vie encensée, un « clic » une vie brisée. Cette abstraction automatisée nous éloigne d’une sensation concrète de prise sur la vie, sur notre vie. Elle nous détourne parfois bien loin du concret, et nous nous retrouvons à errer dans notre esprit.



Évoquer le vagabondage de l’esprit, par ailleurs également source d’inspiration, sous le mot « errance » et non « penser » est, ici, intentionnel. Penser est un acte qui se devrait d’être volontaire, agit, construit, fruit d’un effort de compréhension et d’élaboration. Mais tel est le paradoxe que nous amène notre confort de vie : pas assez de « penser », trop d’abstraction ballotée par les vagues de nos émotions, de nos jugements auto-critiques, de nos ruminations, de notre insatisfaction ou encore de notre stress.

Apparemment la perspective du gain, alimente cette abstraction : plus le profit est grand, plus il semble appeler un profit plus important encore, repoussant les limites de notre envie « d’avoir ». L’ambition est un noble moteur, pour autant qu’elle draine dans son sillon le désir d’y fédérer le plus grand nombre et non de l’en exclure.

Cet effet de paradoxe continue de s’accentuer : alors que nous sommes une espèce profondément et intrinsèquement pro-sociale, le progrès technologique, avec son influence sur la vie personnelle, professionnelle et politique, semble nous éloigner de notre destinée humaine qui n’est rien d’autre que d’œuvrer à vivre ensemble, prendre soin les uns des autres, et mettre à contribution notre être pour réaliser cet accomplissement.

Réaliser, se réaliser. Et si c’était cela la réussite ? Et si se réaliser ne pouvait se déployer qu’en mettant à jour ce que nous sommes chacun et découvrir que cette parcelle unique de notre être n’était qu’une pièce indispensable à la construction de l’immense puzzle humain.

L’ère post-covid, nous donne l’impression que nous devons nous relever, remettre debout sur une terre brûlée, nos corps fatigués, rassembler nos esprits déboussolés, et que cette période de privation relationnelle, d’obscurité sur l’avenir, nous pousse plus que jamais encore, à reconsidérer ce qui nous avions internalisé comme acquis. L’épuisement nous oblige à regarder en face ce qui est important pour nous, essentiel, non négociable.

Alors que veut dire réussir aujourd’hui ? S’il est toujours question de « créer de la richesse », il devient insoutenable de l’envisager privée de la richesse relationnelle, de la solidarité et de la nécessité d’être.

La crise d’aujourd’hui, n’est plus une crise financière, c’est une crise de l’être : un profond sentiment de manque à être. Harassés par l’injonction à faire, l’individu, usé par l’aliénation productive crie, hurle son écœurement, pour espérer retrouver son souffle. Et cet appel est si puissant, qu’il semble que rien ne pourra plus l’arrêter.


Alors, s’il fallait renoncer au profit pour réussir ? Réussir à se souvenir ce que veut dire vivre, être en vie, être vivant ?

Dans la préface du livre de Tal Ben-Shahar, « L’Apprentissage du bonheur », Christophe André reprend une expression de l’auteur, celle de « Banqueroute affective ». Ce dernier nous rappelle dans son ouvrage, qu’à force d’obsession à accumuler des biens matériels on risque, sans s’en rendre compte, la faillite psychologique. La perte de sens, d’objectif altruiste menace de nous faire sombrer dans la dépression. La quête de la réussite n’a de sens que si elle nous permet de développer nos talents intérieurs et extérieurs, reflet unique de notre Être, au bénéfice de notre épanouissement personnel mais plus encore au service de l’humanité, de l’environnement, de la planète.

La nécessité du bien-être est un pré-requis dans la disponibilité aux autres, car elle favorise naturellement l’ouverture, la créativité. Et notre disponibilité aux autres, notre capacité à en recevoir et percevoir les bienfaits, alimente notre réservoir affectif, notre sentiment d’utilité, de connexion sociale. Ce pour quoi nous existons, en fait.


Tout est là, à portée de main. Nul besoin d’aller chercher plus loin, d’aller chercher plus haut, d’aller chercher ailleurs. Bien au contraire, il est temps de s’arrêter, et de sentir, là, juste à cet instant, à l’intérieur de nous, cet appel à être qui ne demande qu’à nous guider. Il paraît difficile de nier aujourd’hui, que nous souhaitons ardemment apprendre à l’écouter, à lui faire confiance, pour apprendre à nous faire confiance, et rester connectés à ce mouvement si naturel et bienfaisant d’attention à l’autre afin de répondre du mieux possible, que ce soit spontanément ou au long cours, à ce dont chacun a vraiment besoin.

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