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Articles & Actualité

En collaboration avec la direction et les équipes pédagogiques de l’Externat Notre Dame à Grenoble, se déroulera pour la deuxième année consécutive, une intervention auprès des élèves des classes de 5ème, pour les faire réfléchir à leur usage principalement, de leur téléphone portable.

Lundi 17 janvier 2022 | Intervention à l'externat Notre Dame


L’année précédente, nous avions proposé une réflexion plus large : « Les écrans » en général.

Nous avions invité les élèves à préparer cette intervention en cherchant avec leurs parents des « images d’écrans » afin, déjà, de les sensibiliser plus consciemment à leurs présences ainsi qu’à leurs places dans leur vie quotidienne. L’intention était également de pouvoir ouvrir un espace de paroles parents-enfants sur le sujet.

J’avais constaté une grande richesse dans la diversité des expériences et du regard des élèves face « aux écrans ». Pour la plupart, des règles dans l’utilisation des écrans étaient déjà présentes à la maison, et les élèves avaient facilement tendance à les comprendre et à les justifier.

Mais qui dit « écrans » dit Internet !

Ainsi, des thématiques autour des contenus étaient régulièrement revenus : l’image de soi véhiculée sur les réseaux les sociaux, développer du discernement sur les informations déversées sur les réseaux, apprendre à faire la différence entre « le vrai et le faux », la peur de louper des informations (ce que les américains appellent : The fear of missing out), l’ennui quand les écrans s’arrêtent, le besoin d’être sur son portable pour faire passer le temps, la possibilité d’être en lien, le risque du harcèlement. Mais aussi toute l’utilité d’internet pour chercher des informations, l’efficacité, la rapidité.


Aujourd’hui, nous savons parfaitement que parler « des écrans » ne veut rien dire : on parle d’utilisation des écrans, du type de support, des contenus recherchés, des applications utilisées, des objectifs, du temps passé en fonction de l’activité effectuée.

Comment utiliser efficacement et judicieusement son téléphone, son ordinateur, de façon à en maitriser l’utilisation et non être, soi-même maitrisé par cet outil ? Car ce n’est qu’un outil, tels sont la question et l’enjeu : un usage éclairé des outils numériques. Préserver son libre-arbitre, et rester maitre de son attention.


A la suite de la première journée d’intervention, il leur avait été proposé de tenir « un journal de bord » de leur usage des écrans en leur demandant de noter les observations suivantes :

- Le temps passé sur l’écran utilisé,

- Sur quel type de support en faisant quelle activité?

- La façon dont ils se sentaient ensuite?


L’objectif de la deuxième journée était de continuer à réfléchir avec eux sur ce que cela leur avait apporté, et quelles stratégies efficaces, avaient-ils trouvé pour leur permettre de réguler leur usage « des écrans ».

Cette journée avait également pour objectif, en terme de stratégies de régulation, de faire le lien avec les outils d’entrainement à l’attention du programme ATOLE et les exercices de méditation de pleine conscience auxquels certains des enseignants de l’établissement ont été formés et qu’ils utilisent régulièrement avec leurs élèves afin de leur apporter bien-être, confiance en eux et concentration.


Cette intervention sur deux jours devait se clore avec une conférence à destination des parents afin de leur faire un retour sur cette intervention. Mais aussi de continuer à les informer sur l’utilisation des écrans avec l’éclairage des recherches dont on dispose actuellement. Et enfin, de leur proposer des pistes d’accompagnement en lien avec la compréhension de l’usage de ces fameux «écrans ». Sachant que, aujourd’hui, nous adultes, passons énormément de temps sur notre portable, sur notre ordinateur et la génération précédente devant la télé ! Les enfants se plaignent également de la non-disponibilité de leurs parents dont l’attention est elle-même captivée par ces objets devenus quasiment indispensables.


Mais cette conférence n‘a pas pu avoir lieu … COVID oblige.


Après réflexion entre l’équipe enseignante et la direction suite à cette première expérience, le projet a continué de se dessiner pour être le plus intéressant et le plus pragmatique possible pour les élèves.


Le thème cette année est donc :

« Prévention dans l’usage des écrans : améliorer l’attention, préserver la relation ».


L’accent sera recentré sur l’utilisation et la place du téléphone portable, qui, en fin de compte est le support qui prévaut de par la facilité d’utilisation et les usages multiples qu’il propose. Viennent ensuite les jeux vidéos.


L’usage des écrans et plus particulièrement du téléphone, est devenu chez les jeunes, y compris les collégiens, un outil à la fois de travail, d’information, de connexion sociale et de divertissement (pour ne pas dire distraction).


Notre attention est toujours posée sur quelque chose, la question est : sommes-nous conscients du support sur lequel nous la posons, et de ce qui l’attire ?


Maitriser notre usage des écrans c’est maitriser nos objectifs attentionnels.

On parle aujourd’hui d’ « économie attentionnelle » : nos ressources attentionnelles sont très convoitées par les médias qui font de leur captation un enjeu économique majeur.

Réfléchir à notre usage des écrans c’est choisir de cultiver notre libre-arbitre, nos capacités de discernement.


Le cerveau des adolescents est encore très immature pour résister à la tentation de l’immédiateté : les outils numériques proposent des réponses rapides, alimentent la sensation de récompense immédiate, et les contenus des réseaux sociaux sollicitent essentiellement notre cerveau émotionnel qui est naturellement très orienté vers le lien social et a tendance à être sur un mode de réponse de type automatique et réactif. Pour ne pas dire irréfléchi.

L’usage des outils numériques crée ainsi ce que l’on appelle un « conflit attentionnel » : entre « hyper attention » et « deep attention » (cf. Pr Katherine Hayles), c’est-à-dire entre une attention constituée d’une oscillation rapide entre différentes tâches, avec la recherche d’un niveau élevé de stimulation avec peu de tolérance pour l’ennui, et une attention captée par un seul objet, sur un long moment, c’est l’attention profonde. Cette dernière est essentielle au développement de l’estime de soi et au bien-être durable, car elle cultive un meilleur engagement des facultés cognitives et un niveau de présence de meilleure qualité.

Une information entre cerveau, attention et émotions

Cette année, un questionnaire sur leur usage des écrans sera proposé en amont par les enseignants aux élèves.

Nous ferons émerger ensemble les aspects dits « positifs » ou « négatifs » du portable.

Je leur donnerai une information entre cerveau, attention et émotions.

C’est ainsi que se fera le lien entre « écrans », attention et relation à l’autre.

Nous pourrons ensuite réfléchir à l’intérêt de développer un usage éclairé des écrans, et commencer à évoquer des « astuces » de régulation des écrans, en lien avec les outils développés par ATOLE et les exercices de pleine conscience.


La deuxième journée aura pour intention de revenir sur le chemin parcouru depuis la première rencontre. Et de continuer à concrétiser une posture de régulation des écrans.

Un vrai challenge! Oui !

Mais je remercie déjà l’Externat Notre Dame, la direction, les enseignants, de poursuivre ce projet de prévention, financé en partie par la Région qui perçoit sans nul doute l’intérêt d’une telle réflexion.


Et enfin je me réjouis de retrouver les élèves que j’ai toujours trouvés très impliqués et ouverts.

Je suis toujours si agréablement surprise de leur intelligence, de leur perspicacité, et surtout de leur sincérité. Je suis profondément convaincue que c’est en allant à leur rencontre, dans l’ouverture et la confiance, que nous leur donnons la possibilité de faire les choix dont ils ont déjà conscience mais dont parfois ils ne savent pas encore comment s’approcher ni comment se saisir.

Dernière mise à jour : 24 févr. 2022

En quoi l’apprentissage de la pleine conscience est-elle bénéfique aux enfants ?


Depuis plusieurs années maintenant, la méditation de pleine conscience ou « Mindfulness » (littéralement « Pleine conscience »), est entrée dans nos vies, que ce soit par intérêt personnel ou au détour d’un article spécialisé ou grand public.

De la réticence, dans un premier temps, à un effet de mode, dans un deuxième, cette « banalisation » de la méditation amène une méconnaissance de cette approche, pourtant, maintenant plus largement étudiée scientifiquement, et dont les effets ont été clairement identifiés et mesurés.

L’apprentissage de la méditation, approche millénaire, a été codifiée dans les années 80, par un docteur en biologie moléculaire américain le Dr Jon Kabat Zinn, sous la forme d’un programme laïque le MBSR, très structuré, en 8 séances de 2h à 2h30, dans le cadre de la prise en charge d’affections chroniques telles que le psoriasis. Aujourd’hui, ce programme s’adresse autant aux patients qu’aux soignants dans le domaine de la santé somatique et mentale. Le MBSR vise à la réduction du stress, le MBCT est un programme qui, allié à la thérapie cognitive favorise la prévention de la dépression et de la rechute dépressive.


Il existe aujourd’hui d’autres programmes spécialisés pour différents types de problématiques, telles que les addictions, les troubles du comportement alimentaires, etc.

Dans une interview au Monde, Jon Kabat Zinn témoigne : « En collaboration avec le docteur Richard Davidson, de l'université du Wisconsin-Madison, nous avons mené auprès de deux groupes une autre étude sur le bien-être et la santé. Un premier groupe prenait part au programme de huit semaines de MBSR. Avant la formation à la méditation, les schémas d'activation cérébrale des deux groupes étaient identiques. Mais, après les huit semaines d'entraînement, les méditants affichaient une augmentation de l'activation dans certaines régions du cortex frontal gauche, alors que l'inverse s'était produit pour le groupe qui n'avait pas suivi la formation. Ces changements cérébraux signalent une augmentation des émotions positives et une gestion plus efficace des difficultés en situation de stress. Les études sur la méditation de pleine conscience connaissent un développement sans précédent. ».

La méditation est donc, de façon très contemporaine, une approche sérieuse, aux effets mesurables.

C’est un apprentissage qui requiert de l’engagement. Comme tout entraînement, il demande régularité et motivation et pour cela une intention personnelle claire !

Rapidement, au bout de quelques semaines, cet entrainement porte ses fruits : un plus grand calme s’instaure face aux situations qui d’habitude nous font chavirer émotionnellement. Nous développons une meilleure attention, et un meilleur bien-être naturel lié au fait de rester plus ouvert à la vie telle qu’elle se présente à nous.

La méditation destinée à la pleine conscience est accessible aujourd’hui au plus grand nombre, dont le souhait est de se sentir plus serein, et en meilleure possession de ses moyen, de ses facultés.


Qu’en est-il des enfants et des adolescents ?


Nous avons « presque » tous entendus parler de « Calme et attentif comme une grenouille », de Eline Snel qui a eu pour bénéfice d’ouvrir les portes de cette pratique aux enfants, dans les écoles, à la maison … dès le plus jeune âge. Il existe aussi « Un cœur tranquille et sage » de Suzan Kaiser Greenland qui a développé un programme très intéressant pour les enfants.


Le premier programme thérapeutique pour les enfants a été constitué en 2015, aux États-Unis, avec l’aide de Jon Kabat Zinn : « La pleine conscience pour les enfants anxieux ». D’autres programmes ont vu le jour ensuite, dont celui de Jeanne Siaud Facchin « Mindful Up », pour les enfants et les adolescents auquel je me suis formée en 2016.


Celui que je propose pour cette rentrée est le programme de Sandrine Deplus « Gestion des émotions basé sur la pleine conscience ».

Docteur en psychologie, Sandrine Deplus a effectué de nombreuses recherches sur les changements mesurables de ce programme sur la gestion des émotions chez l’enfant, et de l’adolescent, mais aussi sur les capacités de concentration et l’impulsivité. Ce programme est ludique et très didactique. Très ajusté au développement de l’enfant qui a besoin de concret et d’exercices simples, faciles à mettre en place et à utiliser. Comme je le disais, la pleine conscience ça s’entraine : apprendre à être attentif à son attention, prendre du recul, développer son humour et ses ressources face aux situations de stress, aux bouleversements émotionnels… Se sentir pleinement « Capitaine à bord », manœuvrer ses réactions face aux tempêtes de la vie : garder le cap ! Nos « chères têtes blondes », si sollicitées en permanence, par l’école, l’environnement, les réseaux sociaux, le regard des autres, peuvent apprendre à se sentir en sécurité avec eux-mêmes et… le partager du même coup avec toute leur famille, car la pleine conscience, c’est tellement mieux tous ensemble, et c’est tellement utile à tous ! Séance Découverte de la pleine conscience, samedi 18 septembre de 9h30 à 10h30,

chez Regards Psy.

Inscription demandée.


Christel Bourgogne,

Psychologue clinicienne,

Directrice de Regards Psy


Septembre 2021




Dernière mise à jour : 24 févr. 2022

Récit des premiers pas d’un projet innovant entre la MECS La Maison (CAPSO) et le cabinet privé de consultations psychologiques et neuropsychologiques Regards Psy.


En 2018, l’association CAPSO, une association gestionnaire d'établissements et services agissant dans le champ de la protection de l’enfance, du nom de l’ADEAR, à l’époque, s’est rapprochée de notre cabinet Regards Psy, dont l’une des spécialisation est l’investigation diagnostique des troubles des apprentissages. Cette démarche avait pour but d’initier une réflexion autour d’une collaboration concernant l’échec scolaire et les difficultés de régulation émotionnelle des jeunes placés en structure d’accueil. En effet, les chiffres sont troublants : 70% des enfants qui sortent de la protection de l’enfance sont non diplômés. 25% des jeunes SDF, sont issus de la protection de l’Enfance.


Malgré les nombreux efforts et l’énergie investie dans l’accompagnement de ces enfants, ce constat révèle une zone d’ombre dans la compréhension des besoins de ces enfants, et la mise en place de mesures porteuses d’effets tangibles et évaluables.


Le cabinet Regards Psy se compose de 5 psychologues, dont une neuropsychologue, une psychologue du développement et trois psychologues cliniciennes. 4 d’entre nous se sont alors impliquées dans un projet pilote qui a commencé à se dérouler à la MECS La Maison, qui accueille environ 59 enfants, de la petite enfance à la majorité, dont 5 MNA (Mineur non accompagné).



Pourquoi ce projet ?


Aujourd’hui les études en neurosciences affectives nous le démontrent :

Un environnement emphatique, soutenant et aimant est une condition nécessaire au bon développement du cerveau dans ses compétences à la fois intellectuelles mais surtout émotionnelles.


Dr Allan SHORE, fondateur des neurosciences affectives et sociales, qui dirige le Département de psychiatrie de l’Université de Los Angeles, l’exprime de façon claire, sur la base de ses études sur le développement du cortex cérébral : les connexions neuronales, qui amènent le cerveau à considérablement se développer du dernier trimestre de la vie intra-utérine aux 2 ans de l’enfant, vont dépendre de ses expériences interactionnelles, c’est à dire de la nature de ses premières relations d’attachement affectif.


Il ne s’agit pas d’un développement où de simples "pièces de puzzle" vont se mettre en place et s’interconnecter, mais bel et bien du besoin de certaines expériences relationnelles adaptées aux besoins de l’enfant pour permettre au cerveau émotionnel, et au cortex cérébral en lien avec le fonctionnement émotionnel et social de se développer.


Ces quinze dernières années, l’équipe d’Allan SHORE a découvert que, dans un premier temps, le cerveau s’organise avec la somme de toutes ses expériences, puis il se « désorganise », effectuant un élagage neuronal, pour enfin se réorganiser. Le cerveau trie ses connexions cérébrales non pas en fonction de la qualité de ces interactions mais en fonction de leur fréquence.


Cependant, la qualité du modèle des interactions précoces va littéralement façonner l’habileté de l’enfant à construire son sentiment de sécurité interne. En fonction de celui-ci, il deviendra à même de réguler ses émotions, activer sa capacité d’empathie, et soutenir sa curiosité, fondement de son envie d’apprendre. L’apprentissage est à considérer au sens large, que ce soit dans les capacités d’adaptation sociale comme dans les ressources cognitives nécessaires à l’apprentissage scolaire.


Jean Decety, Dr en Neurosciences, travaillant actuellement à l’université de Chicago, s’est également beaucoup penché sur la question du développement de l’empathie et de la sympathie :


« Si pendant longtemps, ces capacités socio-affectives ont attiré l’attention des philosophes, des économistes, des psychologues du développement et des psychologues sociaux, les neurosciences sociales explorent aujourd’hui les mécanismes neurobiologiques qui les sous-tendent. Elles examinent aussi l’effet des facteurs individuels (liés à la personnalité) et situationnels (liés aux contextes sociaux) qui modulent l’expression de l’empathie en l’amplifiant ou en l’inhibant.(…) une meilleure connaissance des circuits neurophysiologiques qui sous-tendent l’empathie peut contribuer non seulement à une meilleure compréhension de notre sensibilité interpersonnelle, mais également éclairer nos connaissances sur les mécanismes neuronaux et cognitifs impliqués dans le traitement des informations émotionnelles, la relation entre cognition et motivation(…) ».


Jean Decety, « Mécanismes neurophysiologiques impliqués dans l'empathie et la sympathie », Revue de neuropsychologie 2010/2 (Volume 2), pages 133-144.


En France, le décret de 2005, a clairement notifié le besoin de reconnaissance du handicap dont un enfant peut être porteur afin qu’il puisse être accueilli dans toute structure d’accueil de façon ajustée, avec les aménagements dont il a besoin, notamment pour poursuivre sa scolarité comme tout autre élève.


C’est ainsi que la reconnaissance des troubles neuro-développementaux (TND) a petit à petit fait son chemin auprès des professionnels de l’éducation et de la santé mentale, ainsi qu’auprès des établissements scolaires, invitant à changer de regard sur ce qui pouvait entraver la scolarité d’un enfant : un élève peut présenter des troubles « invisibles » qui vont ralentir ses capacités à traiter les informations, le fatiguer, affecter ses ressources attentionnelles, sa mémoire et surtout son estime de lui-même, meilleur prédicteur de la réussite scolaire, (Troubles Dys, TDA/H, TSA), et surtout sans que son « intelligence » ne soit déficiente.

Voilà une nouvelle vision qui ouvre une compréhension de ce qui touche à l'enfant, et des perspectives pur lui tendre la main afin qu'il trouve sa place et retrouve sa dignité dans le domaine scolaire.

Si les difficultés émotionnelles et cognitives des enfants relevant de la Protection de l’Enfance pouvaient être identifiées par une investigation diagnostique, c’est-à-dire un bilan psychologique, est ce que cela ne permettrait il pas de bénéficier de cette ouverture, de cette compréhension et de sortir l’enfant de l’ornière, parfois inextricable, de l’identification de ses difficultés à sa problématique sociale ? Et surtout de proposer des pistes pour mieux s’ajuster à son fonctionnement et à ses besoins ?

 

C’est ainsi, que petit à petit, à l’issue de près d’un an et demi de réflexion, la MECS « La Maison » et Regards Psy, avons posé les jalons d’un projet pilote pour soutenir les interventions des éducateurs et des chefs de service auprès des enfants et des jeunes dont on leur a confié la responsabilité, afin de

- Mieux identifier les ressources des enfants placés, grâce à un bilan psychologique « intégratif » : cognitif x psychoaffectif, (WISC V ou WAIS IV et tests projectifs),

- Ajuster les prises en charge, rééducations et suivis psychologiques,

- Accompagner les professionnels de terrain dans la mise en place d’aides concrètes, sous la forme d’ateliers de compétences, afin de reconnaitre, valider et développer les compétences des éducateurs,

- Orienter les enfants et adolescents « bilantés » vers des ateliers de Gestion des émotions basés sur la méditation de pleine conscience ou des ateliers de Remédiation cognitive, animés par une psychologue clinicienne et une neuropsychologue de Regards Psy. Ces ateliers s’appuient sur la notion de plasticité cérébrale et ont pour objectif de développer de nouveaux « chemins » neuronaux dans la résolution de situations relationnelles comme de situations d’apprentissage. Il s’agit ici d’améliorer des processus de traitement de l’information et non de viser des problématiques spécifiques.

- Réfléchir à l’intégration des parents dans la compréhension des besoins de leurs enfants,

- Coordonner les actions avec la psychologue institutionnelle : des préconisations identifiées à l’issue du bilan à la mise en place des actions de terrain,

- Proposer des formations aux professionnels de CAPSO dans le développement cognitif et psychoaffectif des enfants, les troubles psychoaffectifs, et les troubles des apprentissages,

- Mettre en place des COPIL institutionnels et avec la direction de CAPSO afin d’organiser et de réajuster la mise en place de ces différentes interventions.

 

Retour sur ces premiers pas


Environ une quarantaine d’enfants du Pôle Enfance, Pôle Ados et RJM dont certains Mineurs Non Accompagnés, et d’un autre dispositif d’accueil le SIAJE sont venus au cabinet pour effectuer un bilan psychologique. Ces bilans ont été effectués avec l’accord des parents bien entendu.


Nous avons été amenés à réfléchir comment présenter cette démarche aux différents enfants et jeunes, qui souvent avaient eu une expérience « douloureuse » avec la psychologie. L’objectif recherché était avant tout de mettre en avant leurs « forces », « points forts », « ressources », que ce soit dans le domaine cognitif mais également dans leur personnalité. De souligner leur courage, leur résilience, et de réintroduire leur histoire dans une continuité de sens, afin qu’ils se sentent reconnus et valorisés. Les informations obtenues grâce aux bilans devaient ensuite permettre de compléter le PAP de ces jeunes, c’est à dire de préciser des objectifs et des moyens de les atteindre, de la façon la concrète possible. Enfin, de mettre en évidence leurs besoins affectifs mais également leurs besoins d’aménagements dans les apprentissages, lorsque des difficultés ou des troubles cognitifs étaient identifiés à l’aide des bilans. Loin, bien loin d’une idée de stigmatisation, ces bilans, envisagés dans une perspective dynamique, ont eu pour intention de mettre en valeur le potentiel mobilisable de ces jeunes.


Lors du premier rendez-vous pré-bilan (CS), il est arrivé que certains parents soient présents, et partagent en présence des éducateurs référents de l’enfant, des « bouts d’histoire » qui ont permis de donner un éclairage supplémentaire aux difficultés d’attachement de ces jeunes.


Un lieu tiers


Au fur et à mesure que ces bilans se sont déroulés au sein du cabinet Regards Psy, nous avons pris conscience de l’intérêt de ce « lieu intermédiaire », lieu tiers où la pensée et la représentation de la relation pouvaient à nouveau circuler. Nous avons observé que cela permettait un « pas de côté », afin sortir de certaines représentations qui naturellement peuvent se figer dans la conception du lien à l’enfant.


Nous avons donc passé beaucoup de temps à « penser » ces enfants, à « digérer », tel que peut le décrire Wilfred Bion dans la fonction de rêverie maternelle, les éléments source de violence interne et parfois manifeste chez ces jeunes. Différencier l’espace interne de l’espace externe, réhabiliter la légitimité de leur souffrance sans chercher à l’annuler, à la faire disparaitre, à la faire taire ni la dramatiser.


Dans cet espace tiers, nous avons également été amenées, à prendre conscience plus précisément de la violence psychique à laquelle sont sans cesse exposés les éducateurs. Une violence parfois inélaborable, car profonde, menaçante, attaquante où la possibilité de penser, de se penser humainement dans le lien à ces enfants, à leur famille et au « système » administratif ambivalent, devient alors impossible, propulsant l’éducateur dans la souffrance supplémentaire de la surcharge mentale et de l’urgence permanente. Le règne d’une angoisse sourde et mortifère, et pourtant presque tellement familière qu’elle entretient des automatismes de réponse comportementale, verbale, car il faut tenir coûte que coûte aux dépends d’envisager une autre issue qui demanderait calme, stabilité et lâcher-prise. Quel paradoxe !


Les éducateurs


Ce paradoxe a été l’enjeu des ateliers de compétence pour les éducateurs. Ne pas faire plus, ni autrement, mais faire consciemment. Écouter sa propre souffrance pour supporter celle de l’autre. Ressentir l’impuissance pour sortir de la culpabilité. Toute quête de performance semblant destinée à être inexorablement broyée. S’adoucir, donner du sens sans être dans l’intellectualisation. Donner du sens aux comportements des enfants, des jeunes pour retrouver la confiance, l’existence de la bonté et chercher des solutions adaptées c’est à dire constructives et non répressives Nous retrouvons Bion et la fonction Alpha de la mère, nous retrouvons Mélanie Klein et la phase schizo-paranoïde du nourrisson : se relier à la douleur de la perte, de l’abandon, pour accéder à la phase dépressive, et se séparer petit à petit de l’emprise d’un objet d’amour terrifiant.

Ce paradoxe a été l’enjeu des ateliers de méditation de pleine conscience pour les enfants, les ados et les jeunes de la RJM.

 

La pleine conscience pour les enfants et les adolescents


Méditer ne signifie pas être calme, méditer signifie « porter son attention sur ce qui est là », à l’intérieur de soi, sans jugement. Jon Kabat-Zin dit « Porter intentionnellement son attention, d’instant en instant, sur ce qui émerge, sans jugement ». L’apprentissage de cette posture permet petit à petit de « défusionner », c’est à dire d’apprendre à ne plus s’identifier totalement à ce que nous pensons et ressentons, afin de prendre du recul face à ce que nous éprouvons et ajuster notre comportement d’une façon choisie. En psychologie positive, on parle d’agir en cohérence avec nos valeurs. C’est cette posture qui amène du calme. Du détachement. Je le précise car cette confusion entre méditation et calme est fréquente, au risque d’entretenir des comportements d’évitement face à ce qui nous est douloureux, nous empêchant du même coup, de prendre soin de ce dont nous avons profondément besoin, de façon durable, dans une meilleure estime de soi. Ou de respect pour soi. Trois ateliers ont donc eu lieu. - Le programme Ados sur 8 séances s’est déroulé au cabinet avec des jeunes de la MECS et des jeunes patients du cabinet. Les ados se sont beaucoup soutenus, et cela a permis qu’ils se saisissent des outils de la pleine conscience : pratiques de respiration, compréhension des émotions, identifications des pensées. En fin de parcours, chacun a pu témoigner des bénéfices : meilleure attention en classe, meilleure régulation de la colère, meilleur sommeil… Ce groupe « mixte » a été particulièrement intéressant et porteur, aux dires à la fois des jeunes et des éducateurs qui ont participé à ce programme. - Pour les jeunes de la RJM, le programme a eu lieu, sur place, à la MECS. Sans doute par manque de précision des objectifs, peu de motivation, de compréhension du bénéfice et de l’engagement requis à pratiquer, ce programme en 8 séances a été très inégal dans sa participation. Cependant, j’ai beaucoup apprécié ces séances. Les moments d’ouverture où les jeunes ont pu accéder à la possibilité de mettre des mots sur leur vie interne, leur détresse, pour ne pas dire leur errance. J’ai beaucoup appris et j’éprouve beaucoup de gratitude envers les éducateurs qui m’ont aidée à maintenir le cap malgré les nombreux aléas rencontrés tout au long du déroulement. - Le programme enfants, en 7 séances a connu un déroulement entaché d’interruptions en lien avec les cas de COVID, les moments de confinement. A nouveau, j’ai eu beaucoup de plaisir à venir à la MECS, proposer et dérouler ce programme. Les enfants, comme très souvent, ont été très agités, parfois violents, et cela a créé une confusion, car il était attendu qu’ils y trouvent un espace de calme. Comment trouver d’abord du calme quand se déchainent à l’intérieur de soi le chaos, et la violence existentielle, la révolte, la tristesse pour ne pas dire le désespoir et la colère! C’est ce que j’aime dans ces programmes : autoriser ce chaos à émerger, être là avec ce chaos, avec confiance, et petit à petit guider les enfants vers une possible auto-régulation de leur agitation interne. Et c’est pour cela que les pratiques entre les séances sont déterminantes : apprendre de nouvelles façon de faire face à ce qui bouleverse sans lutter, ni éviter pour apprivoiser, pour rester présents grâce aux pratiques de respiration et à la compréhension graduelle de sa propre vie émotionnelle pour finalement se découvrir « bon » à l’intérieur de soi, indépendamment des dommages parfois cruels et injustes que la vie a pu infliger.

 

Bilan de l'expérimentation


Voici donc, les premiers retours de cette année d’expérimentation. Expérimentation éclairée, et non expérimentation de laboratoire à jouer les apprentis sorciers. Expérimentation qui permet une consolidation de ces outils novateurs dans la protection de l’enfance comme ils le sont de plus en plus dans de si nombreux domaines de l’éducation et du soin. Laisser une trace de quelques mots sur ce parcours coconstruit avec la MECS est ce qui me parait utile pour témoigner encore une fois ma gratitude aux éducateurs, aux chefs de service, aux directeurs, au Président de l’association, qui ont mobilisé beaucoup de temps, d’attention et de courage tout au long de cette année très éprouvante dans un projet innovant car hors de ce qui est habituel.

Christel Bourgogne,

Psychologue clinicienne,

Directrice de Regards Psy


Juillet 2021


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